Pierre-François-Albéric Deville
Je suis le roi des fleurs
Comme la Rose en est la reine,
Disait un Lis, dont la mine hautaine
Chez ses humbles voisins rencontrait des flatteurs.
Tous mes nobles aïeux ont fait parler l’histoire ;
A Thémis même ils imposaient la loi ;
Et quiconque a de la mémoire
Dans le blason français sait quel est mon emploi. »
— « Ta folle jactance est bien fière,
Reprit une Abeille légère,
Qui sur les Lis butinait chaque jour.
Les méprises de l’ignorance
Ont protégé ton entrée à la cour ;
Aux oignons tu dois la naissance ;
Un pré fut ton premier séjour.
Apprends, mon bel ami, que c’étaient des Abeilles
Que les chefs des anciens Gaulois
Sur leurs écus portaient dans les tournois ;
Et pour ces fêtes sans pareilles
Ils préféraient quelques Roses vermeilles
Au pâle descendant d’un bulbe villageois. »
Le Lis baissa son front d’ivoire
En écoutant ce fidèle récit ;
Et, dès le jour, sans vouloir trop y croire,
Jaunit de honte et sécha de dépit.
“Le Lis et l’Abeille”