Dans un réduit obscur, une longue rapière
Se couvrait chaque jour de rouille et de poussière.
Apercevant un livre, elle lui parle ainsi :
Que je hais le repos où je languis ici !
Tu reçois les honneurs et chacun me délaisse;
Et je suis cependant plus utile que toi.
Taudis que dans les cœurs tu sèmes la mollesse,
Je vole droit au but; tout tremble devant moi.
Je voudrais, m’éloignant de ces froides murailles,
Vivre, comme autrefois, de sang et de batailles…
Le livre lui répond:-—Le glaive a fait son temps:
On ne convertit plus par la force brutale.
Ralentis, noble preux, ta valeur martiale;
Où je vois des amis, tu vois-des combattants.
Tu portes en tous lieux la haine et la vengeance,
Et moi je prêche à tous paix^amour, espérance.
Quand tu vas promenant tes sanglantes fureurs,
Par de sages conseils je corrige les mœurs;
Allons, garde ta rouille et renonce à la guerre.
Voit-on le laboureur toujours creuser la terre?
Il dételle ses bœufs, il pose l’aiguillon,
Et puis sa main répand le grain dans le sillon.
Ainsi comme le soc tu sus remplir ton rôle.
Moi, je vais désormais, répandant ma parole,
Faire germer pour tous des épis nourriciers:
Laisse-moi l’avenir, et dors sur tes lauriers.
“Le Livre et l’Epée”
- Pierre Lachambeaudie – 1806 – 1872