Hippolyte de Thierry de Faletans
Au lointain pays qu’autrefois
Découvrit le hardi Génois,
Deux beaux et braves chiens île chasse,
Tous deux noirs et de bonne race,
Maigré leur pénible labeur
Vivaient sans maudire leurs chaînes…
Hélas! se disaient-ils, toute vie a ses peines!
Certain jour un loup raisonneur.
Emérite hâbleur.
Leur tint « à peu près ce langage: >
« Hé! sots amis de l’esclavage,
Sachez donc que la liberté
Conduit à la fraternité…
Oui, suivez-moi, venez, pour jouir du bien-être
Sans devoir rapporter au tyran, votre maître, »
Et sans travail ni peine ayant tout à foison
Gibier à poil, à plume et dans toute saison… »
Alors sans défiance,
Après ce speech insidieux,
Le moins fidèle des deux
Suit la trop avide engeance…
A quelque temps de là, « tout honteux et confus, »
Clopin, clopant, tous les membres perclus,
Léchant d’un air piteux et bosses et morsures,
Souvenirs chagrinants de folles aventures,
Noiraud s’en revint au logis;
Son frère, au poil frais et lustré, L’aborde:
— Miséricorde!
Quels lianes amaigris! »
En quelle compagnie
As-tu donc voyagé? — » Je viens de chez les loups
De vrais pendards, d’adroits filous.
Fallait-il attaquer?… pour épargner leur vie
En tête il me plaçaient devant les ennemis,
Me promettant ma part de gloire et de richesse.
Victorieuse enfin cette gent larronnesse,
Oubliait sans pitié le bien être promis !
Et je ne reçus en partage
Que coups de dents pour tout potage !
Aussi reviens-je au maître, et carcans pour carcans,
Au diable ceux des charlatans!
Travailler, vivre en paix, vivre comme naguère
Camarade, crois moi, ça fait mieux notre affaire!
Nous sommes plus ou moins esclaves ici-bas!
A quoi bon, novateurs, tout fouler sous vos pas?…
Dans votre rage humanitaire,
Pourquoi ces haines, ces combats?
Si vous criez: « Guerre, guerre! »
L’Echo vous répond: « Misère! »
“Le Loup démagogue”