Un jour un loup des plus gloutons.
Après avoir, dans une bergerie,
Assouvi sa fureur sur de pauvres moutons.
Se mit à réfléchir sur cette barbarie.
Pour la première fois il sentit les remords
Naître dans son cœur sanguinaire.
Quoi ! toujours, disait-il, d’une aveugle colère
Écouterais-je les transports?
Toujours du sang ! toujours des morts !
Je suis las à la fin de ce train de corsaire.
Que m’a fait ce peuple innocent
Qui de ma rage est la victime?
Il est faible et je suis puissant ;
Mais sa faiblesse est-elle un crime?
C’en est fait, je veux aujourd’hui
Quitter des mœurs que je déteste;
Au lieu de l’opprimer, devenir son appui,
Et dépouiller en vivant avec lui,
Cette férocité funeste.»
Cela dit, maître loup vers le troupeau voisin
Tourne ses pas, repassant dans sa tête
Et la sérénité des plaisirs qu’il s’apprête,
Et quelle joie et quelle fête
Ce sera de le voir, devenu plus humain,
Près du petit mouton Robin
Bondir et folâtrer. Tout plein de cette idée,
11 arrive auprès d’un troupeau
Qui, sortant du prochain hameau,
Broutait le serpolet, et foulait la rosée,
A cet aspect, adieu ses beaux projets ;
De la rage la plus cruelle
Il sent renaître les accès:
Il s’élance, il saisit la brebis la plus belle,
Et court la dévorer dans le fond des forêts.
A ces beaux pénitents bien simple qui se fie !
Dès la première occasion.
Les serments du matin le soir on les oublie :
Le loup n’est pas longtemps mouton.
“Le Loup converti”