Un loup, mangeant un morceau qu’il trouvait de son goût, et se pressant de tout dévorer, rongeait un os qui lui resta dans le gosier. Alors il se mit à courir de tous côtés, priant tous les animaux, et en cherchant un qui voulût bien lui remettre le gosier en état. Mais aucun n’y voulut mettre l la patte. Tous refusaient du même ton. Celui-ci, disaient-ils entre eux, est un glouton ; il mangerait tout ce qu’il y a dans le pays; le beau malheur, vraiment, quand il crèverait !
— Cependant, à force de flatteries, de contes et aussi do promesses, le loup engagea un grand oiseau, qu’on appelle grue, à plonger la tête dans son gosier. Lorsqu’il eut été ainsi soulagé, la grue lui demanda sa récompense. Mais notre galant se mit à rire, et avec son air traître (1) :
— Tu es mon obligée, ma belle, dit-il, puisque tu vis encore.
Si je l’avais voulu, je te serais coupé le cou lorsque tu as plongé ton bec dans ma gorge; tu es saine et sauve, remercie-moi!
Faites quelque chose en faveur d’un méchant, et pour unique paiement, vous aurez perte, raillerie et tourment d’esprit. »
“Le Loup et la Grue”
(1) Le vers breton est admirable d’énergie, mais Intraduisible. Liou an dreitourach var evin. — La couleur de la traîtrise sur la face.