Dominique Bonnaud
Chansonnier, poète et fabuliste XIXº – Le Loup et l’Agneau pour Rire
Un vieux loup se désaltérait
Au cours chantant d’une onde claire
Quand un timide agneau, que la soif attirait,
Dans le même ruisseau la voulut satisfaire :
« Oh ! fit le loup, très en colère,
Toi, qui n’es pas de mes amis,
Me diras-tu qui t’a permis
De troubler ainsi mon breuvage ?
Je n’attendrai pas davantage
Et je te veux punir de ta témérité ! »
L’agneau n’était pas sans courage :
« Quoi, dit-il, Votre Majesté
Pour une faute aussi légère
Se montre vraiment trop sévère….
— Certes, reprit le loup sur un ton courroucé,
Mais j’ai su que de moi tu médis l’an passé,
Colportant par toute la ville
Que j’étais un vieil imbécile.
— Comment l’aurais-je fait, si je n’étais pas né,
Gémit l’agneau, je tette encor ma mère,
— Si ce n’est toi, c’est donc ton frère,
Ou la mère, ou ta sœur ou ton cousin germain,
Et je n’attendrai pas, mon cher, jusqu’à demain
Pour te punir de ton audace ;
Tes plaintes près de moi n’auront aucun succès
Et je vais te croquer sur place
Sans autre forme de procès !
Assez de soupirs et de larmes !…
— Attendez, dit l’agneau… rien qu’un petit moment…
A l’horizon tout justement
Je vois s’avancer deux gendarmes ;
Pourquoi ne les ferions-nous pas,
Sir Loup, juges de mon cas ?
— Grand merci, fit le loup, je connais leur figure :
Comme disait mon grand papa,
Elle est pour nous d’assez mauvais augure »
Là-dessus le loup décampa
Mais il eut beau courir ! Un coup de carabine
Atteignit l’animal cruel
Et punit par un plomb mortel
Celui qui ne rêvait que vol et que rapine.
La raison du plus fort n’est pas, comme l’on voit,
Toujours forcément la meilleure.
Nos gendarmes, vaillants serviteurs de la loi,
Vous l’ont démontré tout à l’heure !
La fontaine pour rire : 15 fables
de Dominique Bonnaud ; illustrations de O’Galop