Pour manger les moutons et les poules d’autrui
Le renard et le loup se promirent appui ;
Ils mettaient en commun leur force et leur adresse.
L’un brutal, violent et toujours affamé,
L’autre en hypocrisie artiste consommé.
D’ailleurs lâches tous deux : attaquant la faiblesse.
Et la dévorant sans merci,
Fuyant devant les forts. Leur traité fut ceci :
Le loup près de la ferme épandrait les alarmes,
Et lorsque contre lui les gens prendraient les armes,
Et le poursuivraient dans les bois,
Maître renard viendrait en tapinois
Et dans le poulailler ferait un beau carnage.
Le lendemain nouveau ménage.
Seigneur loup regardant les moutons comme siens,
Les guetterait au pâturage,
Et le renard détournerait les chiens.
La chose alla d’abord comme ils l’imaginèrent :
Maint mouton fut occis, maints poulets égorgés,
Et de chair et de sang tous deux furent gorgés.
Mais de la ruse enfin les fermiers s’avisèrent.
Quoi ! s’écria Guillot, des renards et des loups
Auraient du jugement autant et plus que nous !
Non, de par tous les saints, et vous pouvez m’en croire.
Il dit, et tout d’un pas s’en va conter l’histoire
Au louvetier du roi, vieil et brave officier
Des plus experts dans son métier.
Guillot lui conte sa détresse.
— Oh ! répond le chasseur, un loup spirituel !
J’aime ces ces gaillards-là rares dans leur espèce.
Nous lui ferons demain chanter son rituel.
Sans doute ses parents lui montrèrent à lire.
C’est bien demain que vient le sire ? —
Demain même. — Et bien soit ! chargez-vous du renard,
Je me charge du loup, chacun aura sa part.
Dès l’aube le chasseur réunit sa brigade
Et dans le bois profond la met en embuscade.
Trois balles de calibre eurent raison du loup.
Et presque en même temps sous un énorme coup
Asséné par Guillot, mon renard rendait l’âme.
On fit de sa fourrure un manchon pour madame.
Tout pacte entre fripons dont le vol est le but
Tôt ou tard à la loi paye un juste tribut.
“Le Loup et le Renard”