Baron de Ladoucette
Homme politique, poète et fabuliste XVIIIº – Le Loup hypocrite
Voyons un loup, plus adroit ravisseur.
Vous allez croire
Que son histoire
Vient d’un chasseur.
Hardi menteur :
Détrompez-vous. Le fait s’est passé dans la Brie,
Où dame Vérité fut toujours en honneur,
Où le renard peut-être est du loup précepteur ;
Deux femmes me l’ont dit, l’une est surtout jolie ;
Je compte ainsi sur mon lecteur.
Un loup cherchait partout la chair fine de l’oie;
Des festins de la Gaule elle faisait la joie,
Avant qu’un voyageur dont j’ignore le nom,
N’est-ce pas un jésuite ? eût donné le dindon.
Dans les champs, dans les bois, une gente bergère
De timides oisons mène un troupeau nombreux.
Un chien pourrait veiller sur eux,
Chien de taille élancée et d’humeur fort colère.
Loin de là, ce défenseur
Peut-être suit une amourette ;
La bergère s’amuse à cueillir la noisette
Avec un jeune et beau pasteur,
Le troupeau reste seul ; messire loup s’avance ;
Il prend un air affable, un gracieux maintien ;
Il se dit un ami du chien,
Chargé du service, en l’absence ;
Indique le chemin du bois,
Va- vient, presse les paresseuses.
Adoucit le son de sa voix ;
Ce guide caressant les rend toutes heureuses ;
On parvient, grâce à lui, dans un sombre bosquet
Où l’on va paître thym, lavande et serpolet.
Le poil du loup se dresse et son œil étincelle ;
Il respire le sang, s’élance, comme un trait,
Et fond sur la plus belle.
L’oiseau du Capitole étend soudain son aile,
S’envole, et quelque plume abandonnée au vent
Est tout ce qui reste au méchant.
Évitez qui peut nuire ; il devient hypocrite ;
Ah ! croyez-moi ; fuyez encor plus vite.
Jean-Charles-François de Ladoucette – Le Loup hypocrite