Un loup approchait de sa fin,
Et Goupil le renard, son obligeant voisin,
L’aidait à franchir le passage :
— Ô cher ami de mon jeune âge,
Lui dit tout à coup le mourant,
Je fus un grand pécheur, hélas ! et cependant
La mort ne me parait point dure,
Car j’ai la satisfaction
D’avoir fait autrefois une bonne action
Dont le souvenir me rassure.
Un jour, un imprudent agneau,
S’étant écarté du troupeau,
Près de moi paissait l’herbe tendre ;
J’étais seul : les chiens, le berger
Ne songeaient point à le défendre ;
Tous étaient endormis, je pouvais l’égorger,
Eh bien ! je lui laissai la vie !
— C’est vrai, dit le renard, et je puis, au besoin,
Te servir de témoin ;
Ce fut, il m’en souvient, quand, un jour de frairie,
Tu mangeas si gloutonnement,
Que tu devais mourir assurément,
Si la cigogne bienveillante
N’avait su te débarrasser
D’un os pris dans ta gorge et n’y pouvant passer.
Oui, j’ai vu de fort près cette scène émouvante,
Car j’étais moi-même à l’affût.
Hélas ! plus d’un mortel croit faire son salut,
Qui pourrait, cher lecteur, profiter de ce conte :
Quand Dieu réglera notre compte,
Ce sera peu d’avoir évité quelque mal ;
Le bien seul doit sauver devant son tribunal.
“Le Loup mourant”