Du vice fuis les faux attraits :
Pour le méchant il n’est jamais
Ni bonheur, ni calme, ni paix;
Tous ses jours sont des jours mauvais.
Les loups sont, comme on sait, fort friands de tueries;
Jupin de leur métier les a créés gloutons,
Grands croqueurs de brebis, grands mangeurs de moutons ;
C’est le fléau des bergeries.
Un jour pourtant sur sa condition
Certain loup fit réflexion :
Il était las de voir qu’en tous endroits sa race
Fût maudite, et qu’au jour il ne pût se montrer,
Sans quelqu’ennemi rencontrer,
Sans que de tous côtés on lui donnât la citasse.
« Quoi donc! se disait-il, les autres animaux
» Avec l’homme vivront en bonne intelligence !
» Moi seul, j’éveillerai sa haine et sa vengeance !
» C’est a qui des humains me voudra plus de maux!…
» Mais est-ce à tort? et suis-je sage?
» Je n’aime que le sang, le meurtre, le carnage:
» Tous les jours de quelques moulons
» Il me faut contenter mes appétits gloutons.
» L’homme n’a contre notre engeance
» Que trop de sujets de vengeance.
» Changeons donc, imitons les autres animaux,
» Aidons ses serviteurs, respectons ses troupeaux,
» Faisons-lui vœu d’obéissance.
» Mon dos n’est point chargé d’une riche toison ?
» Eh bien ! allons, la nuit» veiller sur sa maison,
» De lui plaire prenons à la lin quelque peine ;
» Cela vaudra bien mieux que d’exciter sa haine.
» Père des dieux, encore un coup,
» Je ne veux plus faire le loup :
» Ma vie à trop d’ennuis est par toi condamnée,
» Oh ! Jupiter, change ma destinée. »
Messire loup fit sagement
D’abjurer enfin sa malice :
Qu’a jamais gagné le méchant
A persévérer dans le vice ?
“Le Loup qui veut se convertir”
- Joseph Hüe – 1800 – 1836