Un lynx, chat et demi, mais qui n’avait souvent
Rien à se mettre sous la dent,
Avec un hérisson fit un jour connaissance.
Le matois, dès l’abord, eût voulu le croquer ;
Mais aux dards qui servaient à l’autre de défense,
Venant en étourdi rudement se piquer :
« Pourquoi donc, lui dit-il, me repousser, mon frère ?
Doit-on fêter les gens de semblable manière ?
Que craignez-vous de moi ? Rien ; sans vous hérisser,
Ne sauriez-vous donc pas vous laisser embrasser ?
Me témoigner si peu de confiance,
C’est, mon ami, me faire une sanglante offense.
Vous ai-je jamais nui pour m’accueillir si mal ? »
— « Mon Dieu, non, répondit le petit animal ;
Et, loin de me blesser, votre amitié m’honore.
Pour vous le prouver mieux encore,
Je vais quitter ces dards qui vous font tant de peur.
Seulement il faudra, mon tendre camarade,
Quitter aussi vos dents avant toute embrassade,
De crainte de quelque malheur. »
“Le Lynx et le Hérisson”