Affublé de sa veste blanche,
Et de son habit rouge où pendaient maint rubans,
Le gros Lucas, un beau dimanche,
S’en alla visiter ses champs.
Mon père avait mis là des tanches,
Dit-il au bord d’un réservoir :
Quittons bas et souliers, et retroussons nos manches :
Il nous faut aujourd’hui savoir
Si notre poisson vit. A ces mots dans la fange,
Jusqu’au genou, le gros Lucas
S’enfonce, et, dès le premier pas,
Voilà le poisson qu’il dérange,
Qui frétille, qui saute. Ah ! ah, c’est mon fretin ;
Allons ! pas plus tard que demain,
Nous en viendrons faire la pêche.
Du fretin ! Non vraiment. C’est du gros. Qui m’empêche
D’en connaître à présent et la taille et le poids ?
Voilà Lucas, de ses dix doigts,
Cherchant à droite, à gauche, à rencontrer les tanches,
Et ne parvenant qu’à tacher
La veste et l’habit des dimanches.
Ce ne fut tout : Lucas, s’obstinant à chercher
Parmi l’herbe et les joncs, dans les trous, sous les pierres,
Et s’y prenant en vain de toutes les manières,
Troubla l’eau de telle façon
Qu’il dût crever tout le poisson.
S’il est un animal, sur terre,
Incapable du bien, qui s’acharne à mal faire,
Et qu’on doive tenir enfermé, garotté ;
C’est un ignorant entêté.
“Le Manant et le Poisson”