David Di Paolo
Fabuliste contemporain – Le mandala tibétain
Un moine bouddhiste réalise une fresque.
De sable coloré, cet harmonieux lacis
Est grand en précision car chaque grain, ou presque,
Est un à un posé en grande minutie…
Un touriste l’observe avec admiration
Car jamais il n’a vu une beauté pareille.
Sa surprise éclate quand, à la finition,
Le moine se lève et son ouvrage il balaye !
« Mais que faites-vous donc ? Vous avez tout détruit !
– Oui. Car dès le départ je l’avais projeté
Et sans mon action, le vent l’aurait fait aussi :
Une fresque de sable ne saurait durer…
– En ce cas pourquoi donc avoir choisi du sable ?
C’est joli, mais si vain car bien trop éphémère.
Pourquoi ne pas rendre votre tableau durable ?
Vous avez dépensé tant de temps pour le faire !
– Mon entière existence est vouée à finir
Et pourtant je prends soin à la rendre si belle
Sans qu’elle n’étonne ni ne vous fasse dire
Que mes efforts sont vain et sans grand potentiel.
Car ce n’est l’arrivée mais plutôt le chemin
Sur lequel je m’applique si intensément :
Réaliser la fresque est pour moi le moyen
D’apprendre précision et agir patiemment.
Chaque grain coloré a mis son énergie
A m’enseigner la grande rigueur nécessaire
Pour le placer à la position qu’il acquit :
Pendant que je méditais, j’apprenais quoi faire.
Pour finir, il m’est extrêmement important
De restituer tout ce que j’ai emprunté.
C’est ainsi que je verse ce sable envoûtant
Dans la rivière pour lui rendre sa beauté. »
Le touriste est perplexe car là d’où il vient
Les valeurs sont très loin de ce qu’il vient d’entendre :
Chez lui c’est la fin qui justifie les moyens,
Et l’on ne restitue pas ce qu’on vient de prendre…
David Di Paolo