Un marchand voyageait sur son mulet chéri,
Qu’il appellait son favori.
Les autres marchaient à leurs aises ,
Dont, sans doute, ils étaient fort aises.
Le porteur fatigué, dit à son maître, un jour :
De vous servir c’est très-souvent mon tour ;
Je conviens que pour moi la chose est agréable :
Mes confrères jaloux de partager l’honneur ,
Demandent aussi la faveur
De voiturer votre personne aimable.
Le marchand répondît : je ne puis, mon enfant ,
Et je te préférai dès le premier instant ;
J’aime beaucoup ta douce allure :
Que ton port, que ton encolure ,
Ont de grâce et de majesté !
Point tant d’amour et plus de vérité :
Le compliment est extrême ,
Dit le mulet en lui-même ;
Je me passerais bien de son attachement,
Le fardeau serait moins pesant.
Aimons toujours d’une amitié discrette.
Ne soyons point à charge à nos amis.
Que chez nous, le flatteur ne soit jamais admis.
Disons la vérité, méprisons la fleurette.
“Le Marchand de Mulets”