Camille Viala
Qui n’a trouvé bon nombre
De ces faciles emprunteurs,
Qui de l’objet prêté demeurent possesseurs,
Vous n’en revoyez jamais l’ombre.
Restituer l’objet prêté,
C’est l’action d’une âme honnête ;
Mais se l’approprier, c’est de l’improbité.
J’en exemple l’oubli…, mais il faudrait enquête
Sur ce point… point d’oubli. J’y trouve un autre mal.
Le mauvais emprunteur, l’emprunteur peu loyal,
Manque non seulement à la reconnaissance,
Mais il lasse à la fin la douce complaisance,
Qui s’épanche en effets charmants,
En doux riens de tous les instants,
Délicieuse bienfaitrice
Accueillant toujours sans caprice.
Du trait suivant j’extrais celte moralité ;
Jadis par un arabe il me fut raconté.
Slam aimait à rendre service :
S’il était doux pour lui de prêter, d’obliger,
Il voulait qu’on rendit,… Pouvait-il l’exiger ?
N’est-ce pas de toute justice ?
L’habitant d’un douar voisin,
De notre excellent Slam sachant la complaisance,
Souvent allait chez lui prendre avec assurance
Tout ce dont il avait besoin.
Par une étrange négligence
Il ne restituait jamais.
Un jour, suivant son habitude,
Il arrive joyeux, le souris sur les traits,
Puis à Slam, sans autre prélude :
— Ma femme à l’instant met son linge à sécher,
Je viens te demander ta corde….
— Bien, lui répondit Slam, je te la vais chercher,
Avec plaisir je te l’accorde.
Eh ! mais…ma femme aussi s’en sert actuellement. —-
— C’est bien, je reviendrai dans un petit moment, —
— Oui… mais ce sera long peut-être. —
— Comment ? —-
— Elle y fait sécher son froment. —
Et l’emprunteur de disparaître :
Slam, jamais depuis lors, ne le vit reparaître.
Camille Viala