« passeras-tu, méchante bête, »
Veux-tu me faire ici rester un jour entier?
» Disait, auprès d’un pont, à son âne un meunier.
Le baudet mutiné s’entête.
» Quoi ! je n’en viendrai pas à bout !
» Il le gourmande, il le frappe, il le traîne.
Soins perdus, inutile peine,
L’aliboron résiste à tout.
Il agite sa tête, il dresse son oreille ,
De ses naseau enflés il souffle avec effort :
Il n’était pas d’exemple encor
D’une obstination pareille.
L’homme n’en pouvant plus, s’assied et réfléchit.
« Il passera, dit-il, mais d’une autre manière. »
Et voici comment il s’y prit :
Il empoigne la queue et le tire cri arrière.
Ce moyen-là lui réussit.
Cet entêté se persuade
Que l’on veut maintenant le faire reculer,
Et détachant une ruade,
» Sur le pont, comme un trait, il se met à voler.
“Le Meunier et son Âne”