Dans le beau siècle d’ or, quand les premiers humains,
au milieu d’ une paix profonde,
couloient des jours purs et sereins,
la vérité couroit le monde
avec son miroir dans les mains.
Chacun s’ y regardoit, et le miroir sincère
retraçoit à chacun son plus secret désir
sans jamais le faire rougir ;
temps heureux, qui ne dura guère !
L’ homme devint bientôt méchant et criminel.
La vérité s’ enfuit au ciel,
en jetant de dépit son miroir sur la terre.
Le pauvre miroir se cassa.
Ses débris qu’ au hasard la chute dispersa
furent perdus pour le vulgaire.
Plusieurs siècles après on en connut le prix :
et c’ est depuis ce temps que l’ on voit plus d’ un sage
chercher avec soin ces débris,
les retrouver par fois ; mais ils sont si petits,
que personne n’ en fait usage.
Hélas ! Le sage le premier
ne s’ y voit jamais tout entier.
“Le miroir de la vérité”