Un chardonneret était en grande réputation d’esprit chez le peuple volatile. Son langage varié et agréable l’avait mis en ce haut point d’estime ; et personne n’eût osé contredire les oiseaux là-dessus. Un moineau, vieux routier qui, avec sa voix rauque, avait plus de génie dans sa tête que toute la république ensemble, voulut connaître le fond de la chose, en mettant à l’épreuve l’esprit du chardonneret. Il s’en ouvrit à deux ou trois de ses amis, et alla joindre l’oiseau spirituel. Une partie de promenade ayant été proposée et acceptée, le moineau la dirigea du côté où un oiseleur avait tendu ses filets. Le beau chardonneret n’eut pas plutôt entendu des appeaux de son espèce, qu’il donna dans le piège à tire d’ailes, et fut pris. Le moineau sut s’arrêter à point, et se tournant vers ses amis, qui avaient été témoins de la chose : « Voilà donc, leur dit-il, ce bel esprit que le vulgaire admire. »
“Le Moineau et le Chardonneret”