Un cerf, hâbleur fini, sans le sou se trouvant,
Alla voir un mouton qu’il connaissait bonhomme
Tour lui soutirer quelque argent :
” Monsieur du loup, dit-il, est garant de la somme,
” Je l’ai vu ce matin ; pour tout prêteur mouton
” C’est bien argent comptant que telle caution____
” Ainsi donc, bon ami, prêtez-moi, je vous prie,
” Vous me tirerez d’embarras
” Et je vous bénirai le restant de ma vie____”
—” A d’autres, cher monsieur, je ne vous prête pas
” Un simple monaco, lui répondit de suite
” Le bonhomme mouton qui se doutait du coup.
” Je le connais fort bien votre monsieur du Loup.
” Je sais ce que vaut son mérite.
” Il emprunte souvent et ne rend jamais rien ;
” En un mot c’est un franc vaurien.
” Quant a vous, bon ami, fussiez-vous sans ressource,
” Prêt à tomber faute de pain ;
” Avant de délier les cordons de ma bourse
” Je vous verrai plutôt cent fois mourir de faim,
” Car vous êtes trop bien renommé pour la course.
” Telle est, monsieur le cerf, mon humble opinion,
” Allez chercher ailleurs et que Dieu vous bénisse ! !…
Avant que la fraude finisse,
Il faudra bien encor plus d’un pareil mouton.
“Le Mouton, le Cerf et le Loup”
- Paul Stevens, 1830 – 1881