C’est moi, dit le narcisse au barbeau l’autre jour,
Qui devrait embellir Ismène ,
Si de tous les cœurs elle est reine ,
Moi qui suis la fleur de l’amour.
Le timide barbeau lui repondit à peine..
Je suis, poursuivit-il, assez bien à la cour ;
Caressé de toutes les belles,
Et sur le sein des plus cruelles,
Je fais quand je veux mon séjour ;
Un habile enfant d’Epicure,
Quand Phœbus peint les fleurs sous un monde nouveau,
Me place près de son fourneau,
Et m’éternise à force de culture….
Toi, de ta champêtre figure,
L’automne creuse le tombeau….
Je renais par les soins de la simple nature,
Répond humblement le barbeau;
Mais mon triomphe en est plus beau ,
Quand la belle vient de la plaine
Et me place dans ses cheveux ,
M’approche de sa douce haleine ;
J’en rends grâce au hasard heureux.
Loin de croire augmenter ses grâces ,
Je gémis de mon peu d’éclat :
Heureux si la victoire est au plus délicat :
Je n’irai jamais sur tes traces,
Confondu parmi d’autres fleurs ,
Parer les nymphes de Cythère ;
Je méprise ces vains honneurs,
Puisqu’Ismène à toi me préfère.
Une noble simplicité
Conduit à la félicité.
Le vrai bonheur est l’art de plaire.
« Le Narcisse et le Barbeau »
Comtesse de Guibert, 1758 – 1826