« Voici le temps de la nichée, »
Dit une hirondelle à sa sœur ;
« As—tu choisi la retraite cachée
» Où tu déposeras le trésor de ton cœur?—
« Je n’ai point oublié, répond l’autre hirondelle,
» Que le printemps dernier une tuile m’offrit
« L’asile où prospéra ma famille nouvelle. —
« Fi donc! réplique l’autre, un nid
« Sur un toit, en plein air ! de la pauvre nature
« C’est la grossière architecture.
« J’imagine un peu mieux. Vois là haut ce rempart
« D’où l’œil au loin des mers embrasse l’étendue ;
« Autour sont rangés avec art.
« De gros tubes d’airain qui brillent à la vue,
« Et pour nous bien loger semblent faits tout exprès.
« C’est un abri profond, solide, magnifique,
« Où la foudre en tombant verrait briser ses traits,
« Et qu’une mère enfin , s’il faut que je m’explique,
« Doit préférer à l’asile mesquin
« Que t’offre une méchante brique.
« Imite — moi, j’y vais nicher demain. »
La sœur répond : « Je n’en ai point envie ;
« Quitter le gîte où je vécus en paix
« Serait ingratitude, et peut-être folie.
« On peut se repentir d’habiter un palais.
« Enfin pour moi j’aurai l’expérience,
« Et la sécurité que donne l’innocence. »
Suivant l’usage, en son opinion
Chaque femelle tint bon ,
Et se mit à bâtir le berceau de sa race ,
L’une au faîte d’un toit, l’autre dans un canon,
La couvée alla bien dans l’une et l’autre place ,
Et des petits un duvet noir et blanc
Commençait à vêtir les formes délicates,
Quand un matin sur l’Océan
On vit approcher deux pirates.
Grand bruit au fort; le tambour bat ;
A ses bronzes court le soldat
Portant la mèche en spirale allongée.
O cruelle trahison !
Chaque pièce d’avance était toujours chargée.
Soldat ! arrête, en ce canon
Une tendre mère est logée….
Le barbare ne m’entend pas…
Dieux!… c’en est l’ait… la flamme brille,
Et le salpêtre avec fracas
A brisé dans les airs l’imprudente famille.
L’autre sœur vit de leurs débris
Son humble tuile couverte,
Et répéta souvent à ses petits :
« Qui se fie à la force y trouvera sa perte. »
“Le Nid de l’Hirondelle”