Un Paon et une Corneille se rencontrèrent dans un jardin. La conversation roula sur leurs beautés et sur leurs défauts ; le Paon dit à la Corneille : « Cette botte rouge qui orne votre pied irait parfaitement avec ma robe de satin chamarrée d’or ; car au moment où nous sommes sortis de la nuit obscure du néant pour voir le jour de l’existence, je me suis trompé en mettant mes bottes ; j’ai pris les bottes de chagrin noir, et je vous ai laissé les miennes qui étaient d’une belle peau écarlate. » « Au contraire, répartit la Corneille, s’il y a eu de l’erreur dans notre habillement c’est de ma part ; votre costume m’appartient excepté les bottes, car celles que je porte sont à moi. Au milieu de notre assoupissement nous avons changé de robes. » Pendant cette dispute une Tortue s’approcha, et entendit tout ce qu’ils disaient ; enfin elle leva la tête et leur adressa la parole. « Mes bons amis, vous avez de l’esprit, mais il ne paraît pas dans cette querelle. Depuis une bonne heure vous vous disputez ; eh ! ignorez-vous que Dieu n’a pas tout donné à la même personne ; l’on ne peut posséder, à la fois, tous les avantages ; aucun homme n’est doué exclusivement de qualités particulières, refusées à tous les autres ; et celles qui se trouvent dans l’un, peuvent également se trouver dans l’autre. Chacun doit être content de ce qu’il possède, et ne rien envier à ses semblables. »
Le sage n’a jamais porté le fardeau de la jalousie ; imite son exemple : l’envie et l’avarice causent mille maux, renonce à ces vices pour en éviter les suites.
“Le Paon, la Corneille et la Tortue”