Le Papillon, au bord des eaux,
Un jour de la saison nouvelle,
Vint visiter l’insecte appelé Demoiselle,
Qui voltigeait sur des roseaux.
Ce bord humide et solitaire,
Lui dit-il, n’est pas fait pour vous.
Venez briller dans le parterre :
Voire sort y sera plus doux.
— Non, non : ce fortune rivage
Plait à mes yeux, plaît à mon cœur.
La retraite a son avantage.
Irais-je me mettre en voyage,
Quand je trouve ici le bonheur?
Chacun aime à passer sa vie
Aux lieux qui furent son berceau.
Vous naquites dans la prairie;
Je suis la fille du ruisseau.
Laissez-moi donc sur cette rive,
Dans ces bois verdoyans et frais,
Loin des honneurs, couler en paix
Mon existence fugitive.
Ah! répliqua le Papillon,
C’est là parler avec sagesse !
Vous avez autant de raison
Que vous avez de gentillesse.
Mais, sous ces voiles si beaux,
Votre vanité se cache.
Au voisinage des eaux
Je vois ce qui vous attache.
Vous ne pouvez ignorer
Combien vous êtes jolie;
Et c’est pour mieux vous mirer
Qu’ici vous passez la vie.
Elle n’en fit point l’aveu;
Mais le Papillon, je gage,
Devinait juste. Il est peu
De vertus sans alliage.
“Le Papillon et la Demoiselle aquatique”