comtesse de Beaufort d’Hautpoul
Poétesse et fabuliste XVIIIº – Le papillon et le colimaçon
Tout fier de sa métamorphose,
D’or et d’azur étincelant,
Aux rayons du soleil, un Papillon brillant
Se pavanait sur une rose.
Il avait pour ami certain Colimaçon,
Né comme lui d’origine vulgaire,
Mais auquel il ne songeait guère,
Quand il le vit sur le gazon
Traînant avec lui sa maison.
Loin de le reconnaître aussitôt il s’écrie :
— Quel est ce reptile odieux
» Qui prétend ravager ma demeure chérie ?
» — Insolent parvenu, dit d’un ton sérieux
» L’Escargot indigné, qui lentement chemine,
» Crois-tu, par ce ton orgueilleux,
» Faire oublier ton origine,
» Insecte vil et paresseux ?
» A peine neuf soleils ont éclairé les heures
» Depuis que je t’ai vu traîner dans nos demeures
» Les anneaux enlacés de ton corps venimeux ;
» Tu tirais de ton sein la trame dégoûtante
» Qui pendant quelques jours te servit de tombeau :
» Ressouviens-toi, sous cet habit nouveau,
» Que tu naquis de l’espèce rampante.
« Te voilà riche Papillon,
« Mais ton destin ne me fait point envie ;
» Né, par hasard, Colimaçon,
« Colimaçon, je finirai ma vie,
« Malgré ton éclat emprunté,
« Malgré ta sotte vanité,
« Tu ne peux empêcher ni toi ni ta famille
« De descendre d’une chenille. »
Anne-Marie de Beaufort d’Hautpoul, Le papillon et le colimaçon