Pierre Doré
Fabuliste XIXº – Le Papillon et le Grillon
Air : N’aimez jamais.
Certaine nuit une chandelle
Brillait dans le fond d’un salon,
Ô que cette lumière est belle !
S’écrie un jeune papillon.
Je veux voltiger autour d’elle
Et la contempler à loisir ;
Je veux la caresser de l’aile ?
Et m’en donner tout le plaisir.
Un vieux grillon d’expérience,
A ce projet était présent ;
En lui-même il frémit d’avance
Et veut arrêter l’imprudent.
Sais-tu bien ce que tu vas faire ?
Dit-il, où vas-tu t’engager ?
Ah ! prends bien garde, téméraire,
Tu cours le plus fatal danger.
Si tu ne fuis cette lumière,
Qui pour tes yeux a tant d’appas,
C’est fait de toi : la meurtrière
Te prépare un affreux trépas.
Le papillon qui se croit sage,
Du bon conseil se rit tout bas :
Et comme l’on fait au jeune âge,
Il persiste et ne se rend pas,
Aussitôt, près de la chandelle,
Il court, il vole en folâtrant ;
Il semble danser autour d’elle,
Tournant sans cesse et retournant.
Enfin volant à tire d’aile,
Il s’y précipite en riant ;
Mais, hélas ! la flamme infidèle,
Le brûle et l’étouffe à l’instant.
Ô trop imprudente jeunesse !
Tel est le sort qui vous attend,
Si vous n’écoutez la sagesse
Sur les pièges que l’on vous tend.
Bientôt vous perdrez l’innocence
En de trompeurs amusemens ;
Pour vous tenir en assurance,
Fuyez les plaisirs séduisans.
Pierre Doré