Le petit ménage
De la tendresse la plus belle
Deux jeunes chiens, mâle et femelle,
Etaient épris; sans cesse mêmes jeux;
Toujours ensemble, ils se pouvaient des yeux :
C’était Thisbé près de l’ami Pyrame.
Témoin de leur constante flamme,
Le chasseur les accouple.
On ne dit rien d’abord;
Le lendemain quelque humeur se déclare :
Pour s’éloigner, ou fait un peu d’effort;
Adieu cette amitié si rare.
Un jour se passe, ou se tire si fort,
Que dans un accès de colère ,
Des coups de dents se suivent bel et bien ,
Les hurlemens attirent un vieux chien.
— Eh! mes enfans, que prétendez-vous faire?
Vous allez périr étranglés,
Eu vous tirant en sens contraire.
Obligés de vivre accouplés ,
Ployez-y votre caractère.
Est-il si malheureux de se voir réunis ?
Vous étiez, hier si bons amis,
N’avez-vous plus rien pour vous plaire?
Le vieux chien parlait d’or; avec la douceur,
Ils rendaient leur chaîne légère :
Mais fait-on raisonner l’aigreur?
On se querelle, on vient à la rupture,
Quand on devrait livrer sou cœur
Aux doux penchans de la nature.
“Le petit ménage”
Antoine-Pierre Dutremblay – 1745 – 1819