Un vieux pinson,
Dès les premiers beaux jours, répétant sa chanson,
Disait au rouge-gorge, au merle, à la linotte :
Je suis maître de chant ; prenez une leçon :
Voici comme on débute ; entendez-vous ce son ?
Prenez bien garde à cette note ;
Faites ici trois tons égaux,
Et bientôt dans nos bois vous serez sans rivaux.
Caché sous le prochain feuillage,
Et fatigué d’entendre un semblable langage,
Un jeune rossignol près du pinson vola ;
Voici comment il lui parla :
Ton ramage, il est vrai, n’est pas sans harmonie ;
Mais du grave à l’aigu tu passes tout d’un trait ;
Et de là tes accents perdent beaucoup d’attrait ;
Quelque peu de monotonie
Leur nuit également… C’est assez ! halte là !
S’écria le pinson ; par ma foi, j’aurais honte
De tenir compte
Des avis d’un blanc-bec. Il dit, et s’en alla.
Ceci n’a rien qui doive vous surprendre :
Comme plus d’un vieux professeur
Bien arrogant, bien radoteur,
Ce pinson aimait mieux enseigner que d’apprendre.
“Le Pinson et le Rossignol”
- Jean-Auguste Boyer-Nioche, 1788-1859