J’allais rêvant un matin
Dans notre verte prairie,
Quand un papillon badin
Vint troubler ma rêverie :
Son vol léger, ses couleurs,
Ses passagères erreurs
Lui gagnèrent ma tendresse.
J’essayai de rattraper :
Mais vainement je m’empresse,
A fuir il a plus d’adresse,
Et toujours sait m’échapper.
Enfin, las du badinage
De cet insecte volage,
De fleurs je couvre ma main.
Il y vole en assurance ;
Mais, la refermant soudain,
Je jouis de ma vengeance,
— Je vous tiens, petit mutin !
Criai-je aussitôt de joie.
Vous devenez mon butin,
Venez ça, que je vous voie.
Mais, hélas ! ma main s’ouvrant,
Je vis passer le brillant
De ses agréables ailes,
Avec cet éclat charmant
Qui me les rendait si belles
Quand il allait voltigeant
Sur l’émail des fleurs nouvelles.
Bientôt, avec un soupir
Qui s’échappe de ma bouche,
Je dis : — Rival du zéphyr,
Vous ressemblez au plaisir :
On vous perd dès qu’on vous touche.
“Le plaisir et le papillon”
Seigneux de Correvon, (1770.)