Sur un buisson, voisin de ces fils merveilleux
Que l’homme a su tremper dans la flamme des cieux,
Un pinson élevait sa petite famille.
De là, caché sous la charmille,
Il épiait d’un œil perçant
Tout ce qui lui semblait nuisible ou menaçant
Pour sa chère progéniture.
Or, entre les objets qu’il voyait en ce lieu,
Ces fils l’intriguaient fort. Placés là depuis peu,
Œuvre de l’homme et non de la nature,
Ils excitaient sa crainte et ses soupçons.
Ce devait être un piège à prendre les pinsons,
Des pipeaux pour les mettre en cage
Et leur faire pleurer dans un triste esclavage
Les douceurs de la liberté.
Toutefois rien encor sur ce fer redouté
N’avait justifié ses craintes maternelles ;
Il avait vu des moineaux étourdis,
De voyageuses hirondelles
S’y poser en jouant et puis, rouvrant leurs ailes,
Reprendre leur vol impunis.
Ces exemples suffisaient-ils
Pour rassurer sa tendresse inquiète ?
Tandis qu’il s’interroge en sa petite tête,
Il voit le plus jeune des fils
De sa voisine l’alouette
Y courir, redressant son aigrette au soleil,
Et d’un hymne de fête,
Saluant la nature à son premier réveil.
Tout à coup le fil frissonne
Sous les pieds de l’imprudent ;
Aucune arme ne siffle, aucun bruit ne s’entend,
Et sans qu’on ait vu personne,
Il tombe sans mouvement
Sur la terre où la mort aussitôt le moissonne.
Ah ! dit notre pinson, je ne me trompais pas,
Et de l’homme à ce coup je reconnais l’ouvrage.
Quand les petits seront en âge,
Je les avertirai de s’en garder. Hélas !
Notre pinson oubliait que lui-même
Des avis de sa mère avait fait peu de cas,
Et que s’il n’avait point dans quelque stratagème
Trouvé l’esclavage ou la mort,
Aux premiers jours de son adolescence,
Il le devait bien plus aux caprices du sort
Qu’au favorable effet de son obéissance.
Eh ! quoi, dira quelqu’un, blâmez-vous les avis
Qu’une mère donne à ses fils ?
Dieu m’en garde ! je dis seulement que sur mille
Un seul de ces avis sera peut-être utile.
Notez bien que je dis peut-être, et qu’à mon sens
C’est prodige de voir des fils obéissants.
“Le Pinson et ses petits”