Un auteur vint trouver un habile critique,
Pour qu’il eût à juger son œuvre poétique.
Ce poète visait
A l’effet:
Aussi sa phrase embarrassée
Ne laissait échapper qu’une obscure pensée.
Il vous étourdissait de mots ambitieux,
Invoquait le soleil et l’aurore et les Dieux,
Et tout le cortège brillant
Du firmament.
Or, le censeur craignant de lui déplaire,
Mais sans pourtant consentir à se taire,
Dit ; »Venez avec moi vous promener aux champs.
(C’était un beau jour de printemps.)
Ils y vont : l’alouette, éveillée à leur vue,
S’élève dans les airs et chante sous la nue.
Elle fait comme vous , dit le censeur joyeux,
Elle va chanter dans les cieux,
On ne l’entend pas sur la terre.
L’auteur sentit le mot et bientôt sût mieux faire.
Son ouvrage plus simple eut aussi plus de prix,
Fut plus estimé, mieux compris.
Dans nos écrits, toujours, gardons-nous de l’emphase,
Comme dans nos projets fuyons l’ambition :
L’une enfle trop ou l’idée ou la phrase,
L’autre, l’imagination.
“Le Poète et le Critique”