Un riche partisan présidoit, à sa table,
Sur bon nombre de gens d’esprit,
Et n’en retiroit d’autre fruit,
Que celui d’être encor plus gauche & moins traitable.
C’est un fait, disoit-il, & des moins surprenants,
Que lorsque mes pareils entreprennent d’écrire,
On voit tout le public applaudir & sourire,
A leurs efforts, à leurs talents.
En fréquentant les grands, on polit son langage,
L’esprit s’épure & l’âme s’anoblit,
Mais un pauvre rimeur qu’un long jeûne affoiblit,
Qui vit seul, & travaille en un cinquième étage,
Y meurt de froid, & ce froid, aisément
Se communique à son ouvrage.
Ce discours n’étoit pas honnête, assurément.
Un poète en prit fantaisie,
Et s’écria. Qu’ils sont heureux !
Ces riches écrivains, dont tout comble les voeux ?
A qui rien ne défaut, si ce n’est le génie.
“Le poète et le financier”
René Alexandre de Culant 1718 – 1799