Emmanuel Frontczak
Fabuliste contemporain – Le Poulet et les deux Vers
Il vaut mieux compter sur un trésor bien réel
Que sur des richesses qui ne restent qu’éventuelles.
Telle est l’histoire des vers de terre qui crurent bon,
D’en espérer toujours bien plus que de raison.
Il était une fois deux lombrics affamés,
Parcourant les contrées pour trouver à dîner.
Étant maintenant à jeun depuis trois semaines,
Ils piaffaient à penser à leur orgie prochaine.
C’est alors qu’ils virent durant leur cheminement
Un œuf, qui leur paraissait bien appétissant.
Au moment où il allait casser la coquille,
Un des deux vers eut une idée des plus habiles :
“Ne crois-tu pas qu’il serait bien plus raisonnable,
D’attendre un peu avant que l’on se mette à table,
Car nous conviendrions bien plus à notre faim
Si, de l’œuf, nous patientions qu’il sorte un poussin.”
Ils n’eurent besoin d’attendre les grecques calendes,
Pour que l’œuf bouge et que la coquille se fende.
Une fois mûre et éclose, ils virent que la volaille,
Du repas programmé n’en avait pas la taille.
C’est alors que l’autre ver dit à son ami,
Qu’il vaudrait mieux attendre qu’elle ait un peu grandie,
“Car si nous l’avalons, nous ne serons replets,
Voyons donc la chose une fois qu’elle sera poulet.”
La vie ne lui ayant été pas trop ingrate,
Notre poussin eut enfin la taille adéquate.
Et le résultat escompté fut bien meilleur,
Car du départ il avait triplé sa grosseur.
Mais les vers virent au moment de faire le festin,
Que le poulet ne se nourrissait plus de grain.
Et ce qu’était prévu pour leur faire ripaille,
Risquait bien d’être la cause de leurs funérailles.
Les asticots tentèrent de filer à l’anglaise
Mais, en vitesse, ils restaient bien loin d’être à l’aise.
Ils comprirent une fois arrivés dans le gésier
Que, de l’œuf, il aurait fallu s’en contenter.
Emmanuel FRONTCZAK (Les Éditions Amalthée)