Deux riches héritiers des biens de leurs parents,
Ambroise et Mathurin, l’un et l’autre peu sages,
En frères querelleurs terminant leurs partages,
Se tournèrent le dos pour vivre indépendants.
Ambroise, se croyant depuis longtemps malade,
Voulut manger son bien avant que de mourir;
Allant droit à son but, dépenser et jouir,
Il entretint maîtresse et chevaux de parade.
Mais, tandis qu’en festins son argent s’en allait,
A notre franc viveur la santé revenait.
Ne gagnant rien et dépensant sans cesse,
Trop tard des plaisirs vains se dissipa l’ivresse;
Près de lui plus d’amis, Plutus l’abandonnait!
Il fut à sec avant que la Camarde
D’un service insensé l’eût relevé de garde;
Et, pour mieux le punir avant l’instant fatal.
Elle le fit droguer longtemps à l’hôpital.
Son frère Mathurin, de conduite opposée,
Entassait or sur or, intérêts sur argent.
L’avarice chez lui s’était intronisée;
Revêtu de haillons, sous un joug si pesant,
Il se priva de tout au sein de l’opulence;
Triste objet de risée, un soir sans assistance.
L’Avare, jeune encor mourut subitement.
Un ancien Sage nous exhorte,
A jouir des grands biens que le sort nous apporte ;
Comme si, dès demain, nos jours devaient finir,
Comme si de cent ans nous ne devions mourir.
“Le Prodigue et l’Avare”