Elina Batam
Poètesse – Le python jaune et la monnaie du pape
Depuis une semaine, l’écureuil Mano s’occupait assidûment d’un nouveau lambeau apparu entre les tulipes rouges, au pied de la pergola aux roses. Les premiers jours, on aurait dit une énorme liane enroulée sur elle-même, toute mitée et évanescente, comme l’étaient les lambeaux quand ils surgissaient dans les jardins du Synclinal. Puis au fil des jours, à force de soins et d’arrosage fortifiant au purin d’ortie, le lambeau s’était précisé : la liane s’était transformée en un gros python jaune qui portait des boucles d’oreilles rondes et plates, blanche et brillante comme la nacre.
Le serpent semblait chercher à se redresser, mais il n’avait pas encore repris assez de force et, à chaque effort, il retombait affalé sur lui-même, en sifflant de désespoir. Raguse le castor l’avait alors aidé à se hisser le long de la pergola, en l’attachant aux arceaux avec des brins d’osier pour ne pas qu’il glisse ; le bout de sa queue restait fixé à sa racine qui s’enfonçait profondément dans la terre entre les tulipes. Chaque matin, l’écureuil Chafouin lui apportait un peu du bel humus noir de la forêt, puis Mano arrosait abondamment avec l’eau claire de la Vèbre. Au bout de quelques semaines, le jaune clair du python éclatait entre les roses rouges et le reptile se dodelinait au soleil au sommet de la pergola, l’air en pleine forme.
Un matin, alors que Mano se lissait le pelage au milieu des marguerites, il l’entendit chantonner. Sa queue en panache hérissée d’excitation, il alla avertir aussitôt les autres animaux que le lambeau avait retrouvé assez de force pour leur parler
– Bonjour Python ! s’écria Chafouin en accourant. Comment te sens-tu aujourd’hui ?
– Oh, beaucoup mieux que quand je suis arrivé ici ! Je me sentais complètement disparaître, c’était terrriible! répondit-il en frémissant d’effroi.
– Et dans quel petit coin du monde des humains habitais-tu ? demanda Rosi, une jolie rosalie des Alpes bleu.
– Comme j’étais bien ! Je m’étais trouvé une prairie humide moelleuse au fond des rêves de Daphné, mais j’en ai été chassé comme un malpropre ! L’humaine a l’esprit si durçutendi, vous ne pouvez pas imaginer ! Plus une seule petite place pour m’y lover…Je vis un terrible exil, sniff sniff…pleurnicha t-il.
– Tu n’es pas le premier ni le dernier exilé que nous accueillons, nous comprenons ta tristesse Python. Je serais aussi désespéré que toi si on me délogeait de ma hutte sur la Vèbre, continua Raguse le castor la mine attristée.
– Les animaux de notre forêt ont la mission d’aider les lambeaux à retrouver leur petit coin. Ne t’en fais pas, nous allons te raccompagner jusqu’à ta prairie natale ! dit Mano l’écureuil en redonnant un peu d’espoir au serpent.
– Quelles belles boucles d’oreilles tu as Python ! s’exclama Rosi, réputée parmi tout le peuple des insectes pour sa grande coquetterie. On dirait qu’elles sont faites en perles d’océan !
– Oui, j’en suis très fier, répondit le python en dodelinant de la tête pour agiter les deux disques nacrés qui scintillèrent dans les rayons du soleil. Ce n’est pas de la perle, ce sont les fruits de la lunaire, cette belle fleur qui peuple ma prairie natale. Les humains l’appellent aussi la monnaie-du-pape. Vous voyez, dans ma boucle d’oreille de gauche, il y a des graines de futurs lumaires.
– Ah oui ! il y en a quatre, s’écria le rouge-gorge Hector qui vint voleta près du python pour voir de plus près les petites billes noires qui se détachaient en transparence au cœur du disque.
La nuit venue, alors que les animaux se promenaient dans les jardins du Synclinal avant de se réunir autour du feu pour la veillée, ils remarquèrent que les boucles d’oreilles du python brillaient au clair de lune.
– Waououh, comme c’est beau ! s’écria Azur le papillon en réveillant le python qui dormait enroulé entre les roses.
– J’étais sûr que ça allait vous plaire, répondit le serpent en se redressant.
Comme il ne voyait rien dans le noir – et comme tous les serpents, il n’entendait rien non plus -, il darda plusieurs fois sa langue fourchue pour repérer où étaient les animaux en sentant leurs odeurs. Il sentit aussi leur chaleur grâce aux fossettes du bout de son museau, et perçut les vibrations de la course du chamois Rochecolombe dans sa mâchoire inférieure et par les grosses écailles de son ventre.
– Quels étranges feux follets ronds ! s’écria Rochecolombe en s’arrêtant essoufflé au pied de la pergola. Je les ai vus depuis le Rocher qui Tangue, j’ai cru que la lune avait pondu des oeufs !
– Les lunaires ressemblent à la lune, d’où leur nom, répondit le python jaune. Elles sont rondes et nacrées comme elle, et en plus, elles réfléchissent sa lumière !
– C’est fascinant ! s’exclama Couspeau le pic noir, en se posant à côté du serpent – Couspeau était l’oiseau savant du Synclinal, que tous respectait pour son grand savoir. Mon cher ami, il faudra que je vous interroge plus avant sur cette fleur remarquable qui descend des astres ; je pourrais peut-être faire une belle conférence sur le sujet.
– Il faut absolument qu’on en sème dans le Synclinal ! continua Mano l’écureuil. A la nuit tombée, la lune verra scintiller sous sa lumière des prairies de lunaires, elle sera si contente ! Nous qui cherchions depuis si longtemps comment la réjouir !
Tout le monde trouva cette idée exceptionnelle et le Python autorisa Hector le rouge-gorge à lui décrocher délicatement sa boucle d’oreille gauche pour récupérer les quatre graines.
– Mais il doit y en avoir d’autres coincées entre mes écailles ; je passais mon temps à ramper dans les fossés humides peuplés de lunaires.
Rosi la rosalie des Alpes, avait une vue aiguisée ; elle grimpa le long de la pergola et se hissa sur la corolle d’une rose, tout près du corps du reptile ; elle hésita avant d’y poser les pattes, pensant que ce serait tout visqueux, comme les chapeaux blancs des troupeaux de mucidules qui proliféraient sur les blessures des pauvres hêtres. « Beurk, la morve de champignon ! » frissonna t-elle de dégoût en y repensant. Elle tâta du bout des antennes la peau du reptile et fut très étonnée de constater qu’elle était parfaitement sèche et lisse ; on aurait dit une esplanade de marbre jaune délicatement zébré de blanc. Elle inspecta le grand corps et trouva sur son chemin de nombreux disques de lunaires coincés entre les écailles jaunes :
– Il y en a plein d’autres, remplis de graines !
Azur le papillon et Hector le rouge-gorge vinrent l’aider à faire la récolte ; ainsi épouillé, le python jaune se trémoussait de plaisir.
– Arrêtez, ça me chatouiiille ! criait-il par moments en rétractant brusquement sa peau en accordéon.
Au bout d’une demi-heure, un panier entier de graines de lunaires était récolté.
Le python jaune avait si bien repris du poil de la bête que les animaux décidèrent que le moment était venu de couper sa racine pour qu’il puisse arpenter librement le Synclinal ; il retrouverait ainsi toute sa forme physique. Alors que Raguse la castor la rongeait à l’aide de ses deux longues incisives, le python demanda à Mano l’écureuil :
– Comment allez-vous faire pour me ramener dans ma prairie natale ? Nous sommes loin du monde des humains ici, pas vrai ?
– Il y a un puits au cœur de la forêt ; quand les lambeaux sont bien retapés, il s’ouvre pour les laisser rejoindre le monde des humains ; il ne se referme que quand le lambeau a retrouvé sa place.
La racine céda soudain en faisant tomber Raguse à la renverse, et le python jaune fut propulsé à terre au pied de la pergola.
– Wouh ! quel vol plané ! s’exclama le python un peu sonné.
– Et maintenant, à toi les grands espaces du Synclinal ! Il faut que tu fasses le plein d’énergie avant de retourner chez toi, dit Mano en regardant le serpent s’éloigner lentement entre les hautes herbes en sifflant de plaisir.
Les animaux se réunirent dans la prairie Sérupine pour semer les graines de lunaires ; c’était un vaste pré qui s’étirait au pied des parois rocheuses, au nord de la forêt. Rochecolombe et ses compères chamois étaient descendus des hauteurs des Trois Becs pour brouter les buissons d’épineux qui embroussaillaient la prairie. Le serpent était ravi de ce nouveau terrain de jeux, qui ne manquait pas de fossés humides où il adorait se blottir ; il venait souvent voir les animaux travailler et put faire la connaissance des petits êtres de la fertilité de la terre, Vitalus le lombric, Savin le protoure et Arcan le collembole. Ces derniers vinrent préparer le sol à l’emplacement prévu pour chaque graine : le lombric brassait la terre pour qu’elle devienne plus fertile en mêlant l’argile à l’humus ; le protoure creusait des milliers de galeries pour aérer le sol et laisser circuler l’eau ; et le collembole déchiquetait des feuilles mortes pour donner aux futures plantes une litière fortifiante.
– Je n’avais jamais remarqué qu’il y avait tant de petits êtres qui travaillaient dans le sol ! s’étonna le python jaune.
– Oh, tu n’es pas le seul à nous ignorer ! répondit Arcan le collembole en dressant les poils de son petit corps globuleux. On croit que la terre est fertile comme cela, par miracle ; pfff, quelle manque de perspicacité !
– Vous les serpents, quand on vous voit arriver vers nous en rampant, on se carapate vite sous la terre ; on ne voudrait pas se faire aplatir comme des feuilles mortes ! s’exclama Vitalus le lombric. C’est pour cela que tu ne nous vois jamais.
Autour d’eux, il y avait un ballet incessant d’écureuils et d’oiseaux qui allaient et venaient pour semer les graines de lunaires entre les hautes herbes.
Puis on attendit patiemment que les fleurs grandissent. Elles donnèrent d’abord au début du printemps de jolies fleurs violettes à quatre pétales, légèrement odorantes, qu’Azur et ses congénères butinaient goûluement. Le Synclinal était aussi parcouru par des vols d’oiseaux incessants et dans l’air, de légers flocons blancs dérivaient en permanence, comme la neige qui s’égraine lentement en hiver. Par moments, ils s’assemblaient pour dessiner des formes qui racontaient des histoires ; les animaux disaient qu’ils formaient un peuple qu’ils avaient prénommé « Le Peuple de l’Ortan ».
Chaque matin, les animaux venaient contempler le champ de lunaires en imaginant le spectacle qu’ils pourraient offrir à la lune quand leurs fruits nacrés seraient là. Un soir à la veillée, alors que le python jaune était paisiblement enroulé près du feu, il demanda aux deux écureuils Mano et Chafouin :
– Mais pourquoi vous aimez tant la lune ?
– C’est un fragment de la Terre, presque aussi vieux qu’elle, répondit Couspeau le pic noir de son ton savant habituel. Et c’est cet unique satellite qui maintient la Terre sur son axe de 23,5°, une inclinaison par rapport au soleil qui assure des conditions climatiques propices à notre existence. Vous imaginez, si elle était inclinée à 90°, nous subirions six mois de nuit, suivis par six mois de jours ! s’exclama l’oiseau en ouvrant ses ailes d’effroi.
– Oui, si la lune n’avait pas été là pour ralentir son mouvement de rotation, continua Rosi, la Terre serait devenue une toupie folle, et nous en serions restés au stade de vulgaires embryons… comme de petites larves aveugles et visqueuses !
Le chamois Rochecolombe qui broutait dans l’obscurité alentour, surgit dans le halo lumineux:
– Et mes ancêtres m’ont dit qu’il y a des millions d’années, les marées que la lune produit sur la Terre ont brassé les molécules de la Vie. Ça a donné le bouillon primitif où sont nés les tout premiers êtres vivants !
Hector était perché sur une branche au-dessus du feu, sa gorge rougeoyante dans la lueur des flammes :
– Si la lune n’était pas là pour stabiliser la Terre autour de son axe, elle pourrait entrer en résonance avec d’autres mouvements du Système solaire, et ce serait le chaos !
– Le chaos ? répéta le python qui trouvait ces animaux décidément très savants.
– Oui, tout partirait à vau-l’eau, l’atmosphère de la Terre se disperserait dans l’univers, et notre planète serait happée dans un mouvement fulgurant qui la ferait éclater en mille morceaux.
– Ça alors ! s’exclama le serpent en écarquillant les yeux ; ses pupilles verticales se détachèrent sur ses iris dorés qui brillaient à la lumière du feu.
Une grosse chouette, perchée sur une branche au-dessus du feu, hulula soudain :
– Moi, j’ai besoin de sa lumière pour m’orienter la nuit, et quand elle est toute ronde, qu’est-ce qu’elle me donne envie de chanter ! dit-elle en poussant son long hululement de chat-huant.
– Et toi Python, tu n’en as pas besoin pour te repérer la nuit ? demanda Mano.
– Oh non, on ne sait jamais bien si c’est le jour ou la nuit dans les rêves de Daphné.
– Et qu’y a t-il alors dans ses rêves ? demanda Chafouin en croquant une noisette – il adorait ramener un petit tas de fruits secs à déguster pendant la veillée.
– Dans celui où je suis, il y a ma prairie sauvage ; à l’horizon, j’aperçois une route avec des silhouettes noires qui courent ; je n’ai jamais compris où elles allaient. Il y a souvent aussi une fillette avec un cerceau qui attend au bord des rails ; un train passe sans cesse à toute vitesse en écrasant des choses sur son passage ; il frôle la fillette qui a failli plusieurs fois se faire renverser. Parfois, tapis dans les hautes herbes, j’ai croisé Daphné en train de cueillir des lunaires ; j’ai sifflé pour l’appeler, mais à chaque fois, quelque chose la presse et elle repart vers le train fou. J’aurais tant aimé qu’elle me voie pourtant ! Mais maintenant, son esprit est devenu tellement durçutendi que ma belle prairie n’existe même plus !
– T’en fais pas Python, ta prairie va renaître, paroles d’écureuil ! dit Mano en lui tapotant le museau.
Hector raconta ensuite l’histoire de Thétys, la mer qui recouvrait la forêt aux origines, et dont les sédiments accumulés au fil des millénaires ont formé les hautes falaises calcaires du Synclinal. Les animaux s’endormirent cette nuit-là avec des rêves de marées et de lune.
Le moment tant attendu arriva enfin avec l’automne, lorsque les lunaires donnèrent leurs grappes de fruits magnifiques ; la prairie Sérupine scintilla alors de centaines de disques nacrés. Les animaux se rassemblèrent à la pleine lune au sommet de la petite colline qui surplombait la prairie pour assister au spectacle ; il avait été préparé depuis des semaines par les oiseaux et les papillons du Synclinal ; ils déployèrent ce soir-là un ballet de toute beauté : les oiseaux sillonnaient les airs, leurs hosties nacrées dans le bec, donnant l’impression d’étoiles filantes qui fusaient entre les parois rocheuses – surtout les martinets qui faisaient des pointes de vitesse incroyables ; à moindre altitude les papillons faisaient virevolter dans l’air des guirlandes de disques scintillants ; on aurait dit des fées de satin blanc qui dansaient dans l’air.
A la fin du spectacle, alors que la lune était restée impassible dans le firmament, les animaux crurent la voir frémir légèrement ; tout à coup, une pluie d’étoiles jaillit de l’astre et s’égrena lentement sur le Synclinal, sous les yeux ébahis des animaux.
Au début de l’été, les animaux s’inquiétèrent pour le python jaune : il cessa de s’alimenter pendant près de quinze jours, ses écailles perdirent leur brillant et ses yeux devinrent opaques, comme s’ils ne voyaient plus. Le serpent rampait d’un air fatigué dans les fossés humides du Synclinal et pouvait rester des heures dans un trou d’eau, sans adresser la parole aux animaux qui le saluaient en passant, comme s’il n’avait plus la force de parler ; il ne venait d’ailleurs même plus aux veillées. Raguse le surprit un matin en train de se frotter contre les pierres d’un torrent ; il vit alors la peau asséchée du reptile s’accrocher à un rocher et quitter son corps en se retournant comme un gant; le python fila aussitôt, avec la fougue de quelqu’un qui retrouve soudain la liberté. Le castor s’approcha et souleva le vieil habit du serpent, comme une housse de dentelle légère de six mètres de long. « Comme c’est joli ! Ma grande tante castor va le repriser, on pourra faire de beaux rideaux pour notre hutte !» pensa t-il. A la veillée du soir, le python revint enfin, le sourire au museau entre ses écailles jaunes éclatantes.
– Ah je respire enfin ! Désolé de m’être ainsi absenté, j’ai dû faire ma mue ; deux à trois fois par an, je dois changer ma peau quand elle devient trop petite, et c’est très fatigant de l’enlever !
– Moi je ne mue pas pourtant, s’étonna Chafouin qui pensait parfois que tous les êtres vivants étaient faits comme les écureuils.
– Il n’y a que les lézards et les reptiles qui muent en perdant toute leur peau d’un seul coup ; les autres animaux comme toi perdent leur ancienne peau petit à petit, surtout en se grattant.
Le python s’approcha du feu, et regarda les animaux d’un air solennel :
– Je sens que le temps est venu pour moi de retourner dans le monde des humains. J’ai l’impression que l’esprit de Daphné m’appelle, et l’autre fois, quand je suis passé à proximité du puits au cœur de la forêt, je me suis senti happé…
– Ah oui ! Quand le puits commence à aspirer, c’est que le moment est venu, continua Mano. Nous avons récolté assez de graines de lunaires pour remplir deux hottes Chafouin et moi. Nous pourrons les semer là-bas. Dès demain, nous pouvons t’accompagner si tu veux.
– Alors partons demain. Vous allez semer dans le monde des humains, mais comment allez-vous faire pour revenir chez vous ensuite ?
– Le puits ne se referme qu’une fois que nous avons semé la dernière graine, et il nous laisse le temps de revenir jusqu’à lui.
La veillée se transforma en une belle fête de départ en l’honneur du python jaune auquel les animaux s’étaient beaucoup attaché, et qui avait apporté parmi eux les seules fleurs capables de faire frémir la lune de plaisir.
Le lendemain matin à l’aube, alors que la forêt scintillait de rosée, les deux écureuils se perchèrent sur le dos du serpent, leurs hottes sur le dos. Le Peuple de l’Ortan les escortèrent jusqu’au puits, par lequel ils furent happés prestement. Ils eurent juste le temps de se dire au revoir, et le python jaune se retrouva dans les rêves de Daphné, rampant dans sa prairie humide. La jeune femme était assise dans l’herbe, immobile et pensive ; elle se retourna et aperçut le python qui venait vers elle. Mano et Chafouin déboulèrent par le conduit de cheminée dans la chambre de Daphnée, endormie dans son fauteuil. Ils sautèrent sur son bureau et semèrent trois graines de lunaires dans une boule de terre humide qu’ils enfouirent dans la grosse horloge accrochée au mur. Ils sortirent par la fenêtre entr’ouverte et vagabondèrent sur les toits à la recherche d’espaces à ensemencer : ici, un rebords de fenêtre, là un toit entier, ailleurs une friche chétive coincée entre des immeubles. Ils semèrent la dernière graine dans un panneau de signalisation « vitesse limitée à 130 », et s’empressèrent de retourner dans la chambre de Daphnée ; cette dernière, les yeux encore gonflée de sommeil, était en train de parler au téléphone : « Je sais bien, mais je suis trop angoissé, je ne peux pas continuer comme cela ! ». Les écureuils eurent une dernière pensée pour le python qui devait être tout à la joie de retrouver sa prairie natale, et ils furent happés par le puits à travers le conduit de cheminée.
Une nuit d’automne, alors que le petit Paul regardait les lumières des boulevards défiler par la fenêtre de la voiture de ses parents, il aperçut quelque chose briller de loin au bord de la route : « Ralentis papa ! Oh regardez comme la lune s’est rapprochée ! ».
Adage :
Comme la lune sur la Terre,
nos rêves exercent sur nous une influence silencieuse qui nous équilibre.
Le python jaune et la monnaie du pape par Elina Batam, novembre 2012.