Un vieux Renard, mais des plus fins,
Grand croqueur de Poulets, grand preneur de Lapins,
Sentant son Renard d’une lieue,
Fut enfin au piège attrapé.
Par grand hasard en étant échappé,
Non pas franc, car pour gage il y laissa sa queue :
S’étant, dis-je, sauvé sans queue, et tout honteux,
Pour avoir des pareils (comme il était habile),
Un jour que les Renards tenaient conseil entre eux :
Que faisons-nous, dit-il, de ce poids inutile,
Et qui va balayant tous les sentiers fangeux ?
Que nous sert cette queue ? Il faut qu’on se la coupe :
Si l’on me croit, chacun s’y résoudra.
– Votre avis est fort bon, dit quelqu’un de la troupe ;
Mais tournez-vous, de grâce, et l’on vous répondra.
A ces mots, il se fit une telle huée,
Que le pauvre écourté ne put être entendu.
Prétendre ôter la queue eût été temps perdu ;
La mode en fut continuée.
Autre analyse:
Analyses de Chamfort – 1796.
V. 15. Mais tournez-vous de grâce. . .
Molière n’aurait pas dit la chose d’une manière plus comique.
Voici une fable où La Fontaine retrouve ses pinceaux et sa poésie, ce mélange de tours et cette variété de style qui lui est propre. La peinture du travail des servantes , celle de l’instant de leur réveil, sont parfaites. Dans la plupart des éditions, il y a une faute qui défigure le sens , toutes entraient en jeu : il faut lire , vers 7 , tourets entraient au jeu.
Ce sont de petits tours à dévider le fil. (Le Renard ayant la queue coupée)
Commentaires de MNS Guillon – 1803.
(1) Un vieux Renard. Comme dans la dernière fable du troisième livre, il a dit du Rat :
C’ étoit un vieux routier; il savoit plus d’un tour,
A sa finesse naturelle se joint la longue expérience qu’amènent les années.
(2) Grand croqueur de poulets , grand preneur de lapins, Voila ses exploits : on diroit un général au milieu de ses trophées. Un fabuliste moderne a imité ainsi ce vers :
Un coquin de Renard, grand croqneur de lareaux.
( César de Missy, fab. 20. )
(3) Sentant son Renard d’une lieue. Soit par la terreur qui le devance, soit par son adresse à découvrir au loin le gibier. L’abbé Batteux cite cette description comme un modèle dans la peinture des mœurs ( Princ, de liltér. T. I. pag. 221). Marot, dans sa fameuse épître à François Ier. …lire la suite