Un Renard, que les maux et l’âge avaient glacé,
Se chauffait au soleil non loin de sa tannière :
Il paraissait toucher à son heure dernière,
Tant il était vieux et cassé.
Soudain paraît une poulette,
Toute blanche, accorte, bien faite,
Telle enfin que notre matois
En croquait beaucoup autrefois.
Eh ! bonjour, dit-il, ma petite !
Comment vous portez-vous ? Comme vous passez vite.
Ne pourrait-on vous dire un mot ?
Loin de votre logis, vous vous perdez sans doute ;
Approchez-vous de moi, je vous dirai la route
Qui vous y conduira bientôt.
La Poulette, malgré cette voix obligeante,
Par un instinct secret se montrait défiante ;
Le galant dit encor : Je ne puis plus bouger,
Mes yeux sont presque éteints, et je cours le danger
De mourir sans avoir le secours de personne,
Car je suis veuf et sans enfants.
Ah ! si pour charmer mes vieux ans
Vous deveniez mon Antigone,
Je saurais, en dépit de mes collatéraux,
Qui voudraient me voir dans la bière,
Vous instituer l’héritière
Des biens que j’amassai durant mes longs travaux.
Il me serait si doux de vous nommer ma fille !
Vous me tiendriez lieu d’amis et de famille,
Et toujours près de moi traitée avec douceur,
Vous seriez tout heureuse en faisant mon bonheur !
La Poule, trop crédule, écouta ce langage ;
On ne la vit plus au village.
Ce Renard presque aveugle et soi-disant perclus,
Qui mourant murmurait des promesses touchantes,
Trouva des forces suffisantes
Pour faire un mauvais coup de plus
Et s’endormir encor sur des plumes sanglantes.
Avis aux Poules imprudentes !
“Le Renard et la Poule”