Je ne sais trop à quel anniversaire,
Chez les grands animaux on donnait un dîner ;
Grands animaux, s’entend ; je veux ici parler
Des hôtes des forêts à la dent meurtrière.
Pour fournir au repas de ces maîtres gloutons,
Il en coûte toujours à la petite espèce.
Dans leurs plaisirs, ou leur tristesse,
Gare aux moutons!
Je n’entreprendrai pas de détailler la fête,
Où le carnage seul se chargea des honneurs;
On fit ici, tout comme ailleurs :
On but, et l’on mangea jusqu’à perdre la tête, :.
La conversation roula
Sur celui-ci, sur celui-là.
Les caquets épuisés, survînt la politique;
On discourut sur tout, royauté, république :
Du cher petit gibier comme on plaignit le sorti
Il est bien malheureux, s’écriait une hyène !
Passez-moi, cher voisin, ce lièvre qui vous gêne;
Je veux, pour l’avaler, faire un dernier effort.
N’est-il pas vrai, dit-elle, en lui croquant l’échine;
Que le sort des petits, bon voisin, vous chagrine ?
Pour moi je suis émue ail récit de leurs maux.
L’appétit me revient, voyons donc ces perdreaux ;
Dieu ! qu’ils sont succulents! mais je songe en ma tête,
Si nous proposions, pour eux, une collecte?
C’est penser sagement, reprit maître renard,
Rempli jusqu’au gosier de poule et de canard.
Puis, élevant la voix pour obtenir silence.
Il invoqua d’en haut la suprême assistance ;
Et, du ciel descendant jusqu’au lieu du festin,
Il n’est pas jusqu’à l’ours dont il ne fit un saint.
Ayant jugé l’instant propice :
L’humanité, dit-il, demandé un sacrifice ;
Le peuple malheureux vers vous étend les bras;
L’abandonnerez-vous?… plutôt mille trépas !
Pour les infortunés qu’on ordonne la quête,
Rugirent les convives, et la quête se fit,
Et produisit,
Pour celui qui payait tous les frais de la fête,
Les ergots et le bec
D’un dindonneau bien sec.
“Le repas des grands animaux”