Dans peu, mes chers enfants, nous serons séparés,
— Disait un tendre père à ses fils éplorés,
— Mais avant que la mort à nos cris insensible,
Ait prononcé sur moi son arrêt inflexible,
Souffrez que je vous donne encor quelques avis.
Plaise à Dieu, mes enfants, qu’ils soient toujours suivis.
Voulez-vous être aimés, respectés sur la terre
Et goûter un bonheur qui n’ait rien d’éphémère,
Evitez du méchant le dangereux contact,
Et dans vos moindres faits montrez le plus grand tact
-Le moyen d’obtenir ce bien rare avantage,
Est de suivre en tous points ce précepte du sage :
Si l’on veut être respecté
Il faut se respecter soi-même,
Qu’on soit ou non en dignité,
Montrer en tout réserve extrême,
— Le père mort, les fils oubliant leurs chagrins,
Sans perdre un seul instant, s’emparent de ses biens.
Puis on les vit bientôt, ainsi qu’il est d’usage,
Se disputer entre eux, au sujet du partage.
La justice intervint, le nœud gordien trancha.
(La phrase est un peu dure, amis excusez-la.)
Chacun prend un état selon son caractère ;
L’un se fait avocat, l’autre se fait notaire.
Fidèle observateur des leçons du mourant
L’aîné vivait tranquille au milieu du torrent
Le cadet au contraire en faisait à sa guise,
Etait bas dans ses goûts, négligé dans sa mise,
Hantait les mauvais lieux, affectait mauvais ton,
Se moquant du qu’en dira-t-on.
Aussi qu’en advint-il ? ce n’est point un problème,
Ses égaux le fuyaient, et son frère lui-même.
Il se trouva réduit à la société
De gens de bas étage et sans moralité.
Tel est et tel sera l’immanquable partage
De quiconque oubliera ce précepte si sage
Qui ne peut être trop répété :
Il faut savoir en tout garder sa dignité.
“Le Respect de Soi-Même”