Un ciel de neige.
Un arbre gris.
Un maigre corbeau noir, perché.
Trop haut pour le maigre renard blanc – encore plus maigre que le corbeau – qui, au pied de l’arbre, fixe l’oiseau et lui lance un regard noir.
Une envie de rôti de corbeau lui tenaille le ventre.
Il a si faim qu’à défaut, même du fromage blanc et du pain bis feraient son affaire.
Las, le maigre renard s’enroule autour de la faim grise qui mord son ventre blanc et ferme un instant ses yeux noirs.
Voilà que derrière ses paupières, le corbeau grandit dans le ciel gris ; et que de ses ailes nait une vaste nuit noire percée d’étoiles – les miettes de pain bis ? – où roule une haute lune ronde et crémeuse.
Mais trop haute, bien trop haute pour le renard.
À quoi servirait de se plaindre ?
Il préfère rêver un matin vert et roux, orné d’un soleil jaune et d’un vrai repas chaud – pas du fromage blanc ou du pain bis, mais un vrai repas de renard avec trois entrées et quatre plats fumants, viandes rouges, pot-au-feu où nagent de mauves navets et des carottes oranges, chapelet de saucisses roses, et puis du pain doré, du vin rubis, un plateau de fromages bleus, des raisons verts ; et encore des pistaches, des tartes fauves et des compotes de fruits incarnats – ; un repas si copieux qu’il le partage volontiers avec le corbeau.
Passe la nuit noire.
Vient le matin gris.
Le renard blanc ouvre l’œil.
Que voit-il ? Un ciel de glace, un arbre gris.
Mais plus de corbeau : envolé, le piaf noir !
Plus maigre encore que la veille, le renard jure, mais un peu tard.
“Le rêve de Renard”