Un peuple gémissait, accablé de détresse.
Le prince, ayant appris ces revers affligeants,
Résout de visiter ses sujets indigents,
Pour mettre un terme au mal qui les oppresse.
Et pour doter sa patrie aux abois
De plus riches travaux et de plus sages lois.
Quoiqu’il voulût, en homme sage,
Surprendre incognito le malheur sur les lieux,
Ses courtisans officieux,
Aux champs, dans les cités, annoncent son passage,
Et les plus pauvres aussitôt,
A l’envi simulant une gaité parfaite,
Pour la première fois mettent la poule au pot,
Remplacent leur pain noir par des gâteaux de fête,
Sous leurs plus frais haillons cachent leur nudité.
Le prince croit réelle une fausse richesse;
Il prend pour du bonheur cette feinte allégresse,
Si bien qu’en son palais il retourne, enchanté
D’avoir, au lieu de la tristesse,
Vu partout tant de joie et de félicité.
Voilà comme les rois savent la vérité :
Courtisans de malheur, engeance diabolique,
Quand un roi, par hasard, veut faire son devoir,
Ne couvrez pas de fleurs l’infortune publique,
Afin qu’il ne puisse la voir !
“Le Roi et le Peuple”