Denis Charles Henri Gauldrée-Boileau
La prudence est la seule égide
Que le faible ici-bas puisse opposer au fort :
Quand on a la raison pour guide,
On n’affronte jamais ni les grands, ni le sort.
Gloire du trône, effroi du vice,
Chéri de ses sujets, jaloux de leur bonheur,
Un roi de l’Yemen régnait par la justice,
Et savait à propos tempérer sa rigueur
Par la clémence et la douceur.
Un orgueilleux Visir, las du joug d’un tel maître,
Se déclara le chef d’un parti révolté.
Le sultan essaya de ramener le traître ;
Mais celui-ci taxa son roi de lâcheté.
Sourde à la voix de la sagesse,
Son imprudente vanité
Prit pour un excès de faiblesse
Ce qui n’était qu’un excès de bonté.
Le prince alors déployant sa puissante ,
Immola le rebelle à sa tranquillité.
« Son sang suffit à ma vengeance, »
Dit-il, aux partisans de sa témérité ;
« Mais, soumis désormais à mon autorité,
» Rappeler-vous l’apologue du verre,
» Qui, jaloux d’un roc escarpé,
» Osa lui déclarer la guerre.
» Soit qu’il frappât, qu’il fût frappé,
» L’audacieux, dans son espoir trompé,
» De ses brillants éclats jonchait toujours la terre.
» Roi, je suis semblable à la pierre ;
» Et vous n’avez contre ma volonté ,
» Que l’audace du verre et sa fragilité. »
“Le Roi et son Visir”