Manon-Jeanne Philippon
Salonnière et personnalité politique française
Le Rossignol et la Fauvette
Le Rossignol et la Fauvette – Privée dès son jeune âge, une fauvette vivait en paix sans rien regretter. Bon maître, agréable volière suffisaient à ses besoins, observaient à contenir ses vœux. Un brillant rossignolet, volant, chantant, çà et là, conduit par le hasard, vint un jour près de sa cage. Beaux yeux, bec mignon, gentil corsage, mais surtout jolie voix et accents des plus tendres, attirent, charment tour à tour la prisonnière et le passant. Quand on sent qu’on se ressemble, on ne tarde pas de s’aimer : c’est ce que firent nos oiseaux. Quelle sera leur destinée? La fauvette constante en sa captivité, d’une aile caressante et de son doux ramage doit récompenser les soins du maître qui la chérit; tandis qu’appelé par la gloire, le rossignol ira dans les bois célébrer le printemps, la liberté, l’amour. « Vole, poursuis ta carrière, dit la fauvette attendrie, sois l’honneur de nos forêts, enseigne leurs hôtes sauvages, en chantant le bonheur, tu le feras goûter; sensible à tes succès, je jouirai de tes triomphes. Grandes promesses, charmant parlage signalèrent leurs adieux; le rossignol part à tire-d’aile. Bientôt pays nouveau, bocages délicieux, oiseaux d’étranges plumages attirent et fixent ses regards : on est curieux chez les moineaux, tout comme parmi les humains : on veut voir et le temps passe, et l’appétit vient en mangeant.
Adieu fauvette dans sa cage;
La pauvrette a beau compter les moments,
Ils vont vite pour qui voyage.
Manon-Jeanne Philippon, Le Rossignol et la Fauvette
– fable extraite de ses lettres et mémoires (Mme Roland)
Manon-Jeanne Philippon, Madame Roland 1754—1793