Un homme riche, sot et vain,
qualités qui par fois marchent de compagnie,
croyoit pour tous les arts avoir un goût divin,
et pensoit que son or lui donnoit du génie.
Chaque jour à sa table on voyoit réunis
peintres, sculpteurs, savants, artistes, beaux esprits,
qui lui prodiguoient les hommages,
lui montroient des dessins, lui lisoient des ouvrages,
écoutoient les conseils qu’ il daignoit leur donner,
et l’ appeloient Mécene en mangeant son dîner.
Se promenant un soir dans son parc solitaire,
suivi d’ un jardinier, homme instruit et de sens,
il vit un sanglier qui labouroit la terre,
comme ils font quelquefois pour aiguiser leurs dents.
Autour du sanglier, les merles, les fauvettes,
sur-tout les rossignols, voltigeant, s’ arrêtant,
répétoient à l’ envi leurs douces chansonnettes,
et le suivoient toujours chantant.
L’ animal écoutoit l’ harmonieux ramage
avec la gravité d’ un docte connoisseur,
baissoit par fois la hure en signe de faveur,
ou bien, la secouant, refusoit son suffrage.
Qu’ est-ce ci ? Dit le financier :
comment ! Les chantres du bocage
pour leur juge ont choisi cet animal sauvage !
Nenni, répond le jardinier ;
de la terre par lui fraîchement labourée
sont sortis plusieurs vers, excellente curée
qui seule attire ces oiseaux :
ils ne se tiennent à sa suite
que pour manger ces vermisseaux ;
et l’ imbécille croit que c’ est pour son mérite.
“”Le Sanglier et les Rossignols