Au fond d’un antre sauvage,
Un Satyre et ses enfants
Allaient manger leur potage
Et prendre l’écuelle aux dents.
On les eût vus sur la mousse
Lui, sa femme, et maint petit ;
Ils n’avaient tapis ni housse,
Mais tous fort bon appétit.
Pour se sauver de la pluie,
Entre un Passant morfondu.
Au brouet on le convie :
Il n’était pas attendu.
Son hôte n’eut pas la peine
De le semondre deux fois ;
D’abord avec son haleine
Il se réchauffe les doigts.
Puis sur le mets qu’on lui donne
Délicat il souffle aussi ;
Le Satyre s’en étonne :
Notre hôte, à quoi bon ceci ?
– L’un refroidit mon potage,
L’autre réchauffe ma main.
– Vous pouvez, dit le Sauvage,
Reprendre votre chemin.
Ne plaise aux Dieux que je couche
Avec vous sous même toit.
Arrière ceux dont la bouche
Souffle le chaud et le froid !
Autre versions:
Commentaires de MNS Guillon – 1803.
Cette fable est visiblement une des plus mauvaises de La Fontaine. On a déjà remarqué que le satyre, ou plutôt le passant, fait une chose très-sensée en se servant de son haleine pour réchauffer ses doigts , et en soufflant sur sa soupe afin de la refroidir ; que la duplicité d’un homme qui dit tantôt une chose et tantôt l’autre n’a rien de commun avec cette conduite, et qu’ainsi il fallait trouver une autre emblème , une autre allégorie pour exprimer ce que la duplicité a de vil et d’odieux.
(Le Satyre et le Passant)