Dans nos pays voyageait un sauvage
Observant de nos arts les merveilleux produits,
Cherchant ainsi de son voyage
À recueillir d’utiles fruits,
Et se montrant beaucoup plus sage,
Quoique simple enfant des forêts,
Que maint fat, parmi nous, lequel, dans son jeune âge,
Sans réfléchir, sans voir, court le monde à grands frais.
Dans un de ces jardins qu’à célébrés Delille
Notre sauvage un jour se promenait :
Jugez si tout le surprenait !
Voilà que d’un jet d’eau la colonne mobile
En cristal transparent vient s’offrir à ses yeux.
«Cette eau, dit-il, possède une âme qui ranime,
«Et qui, dans un élan sublime,
«La dirige ainsi vers 1es cieux.« —
«Par une loi de la physique,
Lui répond un passant, ce prodige s’explique.
D’un sommet élevé l’eau que tu vois provient;
«Dans des tuyaux longtemps captive,
«De la hauteur dont sa source dérive
«On dirait qu’elle se souvient ;
«A la même hauteur elle s’élance, arrive :
«Une force secrète en son jet la soutient.»
Que l’homme aussi remonte à la noble origine
De laquelle il est descendu,
Et de ce souvenir que la force divine
L’élève et le ramène au ciel qu’il a perdu !
“Le Sauvage et le jet d’eau”