Antoine Carteret
Homme politique, poète et fabuliste XIXº – Le Saule et le Sapin
Le soleil caressait les flancs de la montagne ;
Ses rayons du printemps indiquaient le retour,
Et déjà chaque oiseau pourvu d’une compagne
Chantait les jeunes fleurs, les prés verts et l’amour.
Un saule, tout joyeux de sentir la nature
Le couvrir de nouveau d’un réseau de verdure,
Se disait à part lui : « J’ai meilleur air vraiment
« Avec cette fraîche parure,
« Qu’en ces jours où le sol se jonche tristement
« De mes pauvres feuilles jaunies.
« Et mes rameaux plus tard, quand toutes sont parties,
« Ont pour moi peu de charme en leur austérité.
« Maintenant je me sens, dans ce gentil feuillage,
« Tout pétillant d’entrain, de vie et de gaîté. »
Puis, comme à s’épancher la belle humeur engage,
Il s’écria : « Frère sapin,
« N’est-ce pas que ces jours sont un vrai temps de fête,
« Et qu’on se sent gaillard des pieds jusqu’à la tête ?
« Vive le vert ! n’est-ce pas, mon voisin ? »
Celui-ci répondit : « Mon cher, je suis bien aise
« Qu’ainsi cette saison vous plaise.
« Mais moi, je suis moins vif. » Le saule répliqua :
« Au fait je vous comprends ; rien d’étrange en cela :
« Vous ne voyez jamais se dépouiller vos branches. »
Un des plaisirs du pauvre est l’habit des dimanches.
Antoine Carteret, Le Saule et le Sapin