Un Serin jeune encore, ayant un beau plumage,
Un air vif, un tendre ramage,
Dans les jardins d’un grand Seigneur
Fut pris et soudain mis en cage :
Le mérite toujours attire le malheur.
Voilà l’oiseau, pleurant son esclavage,
Devenu citoyen d’un superbe salon.
S’il est une douce prison,
C’est la sienne : grilles dorées,
Lit de duvet et de coton ;
Pour ses repas, friandises sucrées,
Biscuit, pralines et bonbon ;
Pour prix de ses accens, mille et mille caresses.
Baisers de Ducs et de Duchesses,
Grands éloges déjà beauté,
Il a tout, hors la liberté.
Sans elle rien n’est doux : l’esclave l’apprécie
Au poids dont le malade estime la santé.
L’oiseau cherche en vain sa patrie
Dans les froids ornemens de ces lambris si beaux :
Les bois et leurs charmans ombrages,
Les prés fleuris, les clairs ruisseaux,
Les fertiles vallons et les brillans coteaux,
Il ne les voit là qu’en images.
L’art y déploye en vain ses attraits séduisans ;
Il connaît trop bien la nature ;
Et la plus fidèle peinture
Ne dédommage pas de ses charmes puissans.
Jadis, quand il volait de bocage en bocage,
De plaisirs il pouvait à chaque instant changer ;
Jupiter pour cela lui donna ce plumage,
Vain présent, qui des fers ne l’a pu dégager,
Et dont il oublira l’usage.
A peine en sa douleur l’amour le consola ;
Il eut une compagne : il fut mort sans cela.
Le plus bel eslavage est toujours une peine,
Qui révolte nos sens, aisés à se troubler :
Une chaîne dorée est toujours une chaîne,
Dont le poids peut nous accabler.
“Le Serin mis en cage”