On assure que les serpents,
(Pline, du moins dans leur histoire,
Nous est garant du fait : comment ne pas le croire ?)
Contre un fenouil, de temps en temps,
Vont se frotter pour faire peau nouvelle.
Fuyant l’œil indiscret de tout fâcheux témoin,
La nuit, au fond d’un bois encor plus sombre qu’elle,
Un d’eux, certaine fois, occupé de ce soin,
Réfléchissait dans le silence,
(Le silence toujours invite à méditer)
Au mépris que pour son engeance,
En tous lieux on fait éclater.
Se croyant seul, sur ce chapitre
Il exprimait ainsi, tout haut, son sentiment.
« J’ai beau m’examiner, je ne sais à quel titre
« Tout le monde nous fuit… C’est que probablement
« Notre ancienne écaille est trop laide ;
« En la renouvelant, à ce désagrément,
« Dieu merci, nous pouvons apporter bon remède. »
Près de là, par hasard, habitait un hibou
Qui, surpris de ce soliloque,
Lui dit, en sortant de son trou :
« Le défaut qui dans toi nous choque,
« Camarade, aisément ne peut se corriger :
« Si tu veux cesser de déplaire,
« Va, crois-moi, ce n’est pas de peau qu’il faut changer,
« Il faut changer de caractère. »
Dans le monde combien de gens,
Par un aveuglement étrange,
Pour eux-mêmes trop indulgens,
Sur leurs défauts, prennent ainsi le change.
Quand pour les plus légers écarts
On les voit établir chez eux quelque réforme,
Le seul côté vraiment difforme
Est celui qui toujours échappe à leurs regards.
“Le Serpent qui change de peau”