Un Singe raillait un Lapin
Sur son air effaré. « Pourquoi l’oreille droite,
L’œil au guet, le regard chagrin,
Toujours tourner la tête et de gauche et de droite?
C’est un tic ridicule. — Il est vrai ; mais, voisin,
N’avez-vous pas aussi le vôtre ?
Quoi ! toujours vous gratter ! pas le moindre repos!
C’est cette patte, et puis cette autre;
C’est à1a tête, et puis au dos,
Et puis au ventre, et puis… Corrigeons nos défauts.
Je veux tenir l’œil fixe une journée entière,
Et ne me retourner pour voir
Ni de côté, ni par derrière. »
Le Singe répondit: « Moi, je puis, jusqu’au soir,
Rester sans remuer la patte.
Qu’est-il besoin que je me gratte ? »
Nos gens se tinrent coi dans le premier moment;
Mais l’habitude enfin devenant la plus forte,
Le Singe imagina de parler de la sorte :
« Dans le dernier combat j’agis très-vaillamment ;
J’en ai sur moi de sûrs indices ;
J’y fus blessé dans quatre endroits;
Ici, là, par ici, par ici. » Chaque fois,
Il grattait doucement ses feintes cicatrices.
Le Lapin repartit : « Les ennemis de près
Me serraient un jour à la guerre;
J’en avais sur les flancs, en avant, en arrière ;
J’allais être prisonnier, mais
Je sus bien me tirer d’affaire,
En faisant ici, là, mille et mille détours. »
Les mouvemens des yeux suivaient ceux du discours
L’habitude, dit-on, est une autre nature ;
On promet d’en changer; hélas !
Les prétextes né manquent pas
Pour reprendre l’ancienne allure;
“Le Singe et le Lapin”