Un roi de… n’importe où, qui voyageait sans suite,
Aperçut dans un bois un singe gambadant.
Le monarque aussitôt se mit à sa poursuite ;
Mais l’animal, né fort prudent,
En l’apercevant prit la fuite.
Il ne s’arrêta pas qu’il ne fût à l’abri
Des coups de rifle ou d’arbalète.
Sous les branches, pourtant, il allongeait la tête
En jetant son sauvage cri.
Le monarque, à pas lents et se cachant dans l’ombre,
Aborda son fuyard, qui l’attendait assis.
Il essuya son front (front de roi toujours sombre)
Et dit au singe, alors sans crainte, sans soucis :
« Quoi ! poltron, tu fuis devant l’homme.
Le seul animal qu’on renomme
Pour sa douceur et sa bonté ! »
Le singe fit une grimace,
Le prince reprit avec grâce :
« Causons. Tu vis en liberté,
Tu vis content ? — Oui, Majesté.
— Vraiment ton sort me fait envie ;
Moi, j’use ma pénible vie
Sans agrément et sans bonheur.
Viens avec moi, beau gambadeur ;
De toi ma cour sera ravie. »
Le singe fit un pas ; puis, s’arrêtant tout court
« Quoi ! dit-il, vous m’offrez d’entrer en votre cour ?
Je le voudrais, seigneur ; mais… j’y crains les colères
Des autres singes, mes confrères. »
“Le Singe et le Roi”